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Thierry Boyer : Une effervescence grandissante autour du triptyque rétrospectif à Albi (ACTUALITÉS/FEVRIER-MARS 2024)

Modules réalisés lors d'une résidence en Norvège. Ils seront présentés dans la cour intérieure de la Cheminée en mars (ouverture nocturne le 23).

Comme indiqué il y a un mois, un ensemble de trois expositions sous forme de rétrospective sera proposé au public à Albi en ce mois de mars 2024. Trois lieux pour trois ambiances : le LAIT à l’Hôtel Rochegude dans un esprit institutionnel par le biais d’œuvres manifestes de Thierry Boyer ; le Frigo, qui souhaite récréer une ambiance d’atelier pour montrer le processus de création et ainsi prouver à quel point l’artiste est encore vivant par son œuvre ; enfin, la Cheminée, dans un esprit plus intimiste, entre pièces de collections privées, œuvres de résidences à l’étranger, et éléments que Boyer aurait voulu installer dans le lieu (une exposition était en projet avant qu’il nous quitte prématurément).

Les préparatifs vont bon train en ce mois de février : entre déplacements à Penne (81) dans la maison familiale de l’artiste, choix des œuvres, menues réparations sur certaines pièces, mise en place des supports de communication…. C’était sans compter les premières réactions dans la presse ou encore un projet de livre.

Dans son numéro du premier trimestre 2024, Parcours des Arts, via d’Andréas Alberti, jeune journaliste à la plume efficace, nous propose un article intitulé « Vestiges du Temps ». Notant l’importance de cette rétrospective autour de cette ligne de force Traces, racines et empreintes, A. Alberti précise : « Thierry Boyer évoque la fugacité du temps, la confrontation des forces et des matières. Il s’approche du point de rupture, fige l’équilibre précaire d’une forme et traduit en volume la fragilité du moment. Ses sculptures deviennent des géants aux pieds d’argile, comme ces lances en acier noir et leurs cœurs atrophiés. L’artiste parle d’ambiguïté, de dureté et de douceur, de violence et de vulnérabilité. Il est question de contrastes et d’une recherche constante d’harmonie dans son art. Il fait jaillir des vestiges du passé comme un archéologue du contemporain ». Pour conclure sur la diversité des médiums utilisés par l’artiste et une « rétrospective (qui) offre un cheminement dans une œuvre essentielle ».

C’est fin décembre que Frédéric Boyer s’est lancé un défi : compiler des textes rédigés par divers auteurs autour du travail de son défunt frère et les mettre en page autour d’illustrations (œuvres, portraits de l’artiste, …). Ce défi est devenu gageure quand il s’est rendu compte que le vernissage du 1er mars serait l’occasion de lancer ce beau livre. Malgré le soutien financier de la Mairie de Saint Benoît de Carmaux et du Centre d’art Le LAIT, le projet demande d’autres financements dans un délai court. Nous espérons que les ventes parviendront à couvrir les frais d’impression. Pour résultat final, un tirage en édition limité avec un avant-propos sous forme d’hommage de Frédéric à son frère, des textes et des images dont des inédits, notamment une œuvre réalisée par l’artiste Nicolas Daubanes à l’occasion de cet ouvrage.

TRACES, RACINES, EMPREINTES /Autour de l’œuvre de Thierry Boyer

ouvrage coordonné par F. Boyer
108 pages, 21×20 cm
Germinoscope Editions (auto-édition en tirage limité), février 2024
N°ISBN 979-10-415-3865-2 / Prix de vente : 20 €
 

Réalisé avec le soutien de la municipalité de Saint Benoît de Carmaux, du Centre d’art Le LAIT, et des associations le Frigo et la Cheminée (Albi), le livre sera en vente dans certains des trois lieux d’exposition (Le Frigo, la Cheminée) tout au long du mois de mars. 

 

Enfin, au-delà du triple parcours vernissage du 1er mars, tous à vos agendas pour des événementiels autour des expositions, notamment le 16 mars. De 16h à 18h, le séminaire « Création Psychanalyse Politique » prendra comme base de réflexion l’œuvre de Thierry Boyer. Et à 19h, Le Frigo accueillera une soirée « Rencontres, témoignages, projections ». Enfin le 23 mars de 20h à 23h, la Cheminée ouvrira en nocturne. (Plus d’infos sur le site du LAIT).

 

 

Traces, Racines, Empreintes : Une triple rétrospective à ALBI en mARS (Actualités/Janvier 2024)

Le Centre d’art le LAIT, la Cheminée, le Frigo, en partenariat avec le musée/centre d’art du Verre de Carmaux, les Abattoirs, Musée – Frac Occitanie Toulouse et la Ville d’Albi, organisent une rétrospective près de deux ans après la disparition de Thierry Boyer. Ils ont pu communiquer récemment en ces termes pour annoncer le parcours d’expositions qui aura lieu en mars de cette année. 

Inquiétante contemplative, contrastée, fantasmagorique… Les adjectifs ne manquent pas pour qualifier l’oeuvre dense et protéiforme de Thierry Boyer, artiste disparu précocement en 2022. Du souvenir du passé industriel de son bassin natal du Carmausin jusqu’aux réseaux, véritables cartes satellitaires de l’infiniment petit, ses œuvres subliment notre capacité à imager le temps à jamais révolu par la captation de traces, de racines et d’empreintes.

Formé aux Beaux-arts de Perpignan, sa pratique se décline d’abord sous la forme de vestiges industriels, des sculptures aux lignes épurées et aux matériaux contrastés faisant écho à la désindustrialisation. Jusqu’aux derniers travaux photographiques autour de dispositifs bâtis, l’artiste n’aura eu de cesse de questionner les notions d’essence et d’origine en les évoquant au travers de fragments.

La recherche permanente, passionnée et insatiable de cet anti-héros de l’art contemporain, qui préférait la quiétude de son atelier aux codes parfois trop exigeants de l’artiste en représentation, a vu son travail évoluer vers une panoplie de médiums mis au service de ses convictions plastiques et d’un projet bio-poétique. Ce fut alors le temps des Germinoscopes, ces installations mi sculptures/mi architectures, au sein desquels l’artiste sublime notre capacité à imager le vivant.

Trois structures culturelles albigeoises fréquentées par l’artiste, La Cheminée, Le Frigo et le centre d’art Le Lait, souhaitent mettre en valeur son œuvre dans le cadre d’une exposition rétrospective. Un hommage autant qu’une recréation autour de son travail, mené avec l’accompagnement de son frère Frédéric Boyer et de Tony Kunter, historien et connaisseur du travail de l’artiste.

Chacune des trois expositions proposera une entrée différente dans le travail de l’artiste : œuvres de jeunesse, dessins, sculptures… évoqueront ses différentes périodes. Au delà du cheminement à travers la ville d’Albi, des temps d’échanges, des ouvertures nocturnes et des visites rythmeront cette triple exposition, qui se veut vivante à l’image du travail de l’artiste, essentiel et foisonnant.

Lieux d’exposition
Hôtel Rochegude, 28 rue Rochegude, 81000 Albi
Le Frigo, 9 rue Bonne Cambe, 81000 Albi
La Cheminée, 5 rue Sainte-Marie, 81000 Albi

Vernissage le vendredi 1er mars 2024
À 17h30 à la Cheminée, 18h30 au Frigo et 19h30 à l’Hôtel Rochegude

Horaires
Hôtel Rochegude, du mercredi au dimanche, de 13h à 18h
Le Frigo, du mercredi au samedi de 14h à 18h
La Cheminée, du mercredi au dimanche de 14h à 19h

(d’après le site du Centre d’art Le LAIT)

thierry Boyer, Les résonances d'un art (Actualités/NOVEMBRE 2023)

Ce n’est que très récemment que Frédéric, le frère et ayant droit de Thierry BOYER, a exhumé des cartons et autres chemises à dessins une foule d’essais du jeune étudiant des Beaux-Arts. Si on est frappé par la diversité de ces pièces, souvent des techniques sur papier tels que l’acrylique, ou le fusain, il faut rappeler que cette variété sied au registre des exercices imposés par la formation académique. Des nus aux natures mortes déstructurées, en passant par ces études de silhouettes, il s’agit d’un ensemble bigarré et plus ou moins heureux.

Certains points sont toutefois à remarquer. Déjà l’évolution de ces exercices vers quelque chose de plus personnel, vers un style singulier. Des nus académiques, on en vient à des silhouettes de plus en plus suggérées jusqu’à l’empreinte ou l’estampage, ce qui trahit déjà une ambition sculpturale.

Quant aux natures mortes déstructurées, elles le sont via des obliques aussi agressives que ces pièces utilisant plus tard la forme ogivale, mais avec le contraste de la fragilité des éléments colorés de la nature morte, remplacés dans ses sculptures par du verre ou du bois. Pires elles deviennent purement ébauches.

Et ces ébauches ont parfois un écho prémonitoire, une résonnance surréaliste avec des œuvres réalisées jusqu’à des décennies plus tard. Deux exemples frappants. Ce dessin géométrique et chaotique dont on pourrait croire qu’il est un préprojet d’une sculpture réalisée à la fin des années 1990. Pire, que penser de ces projections de peinture au regard des traces de gastéropodes laissées sur le dôme du Germinoscope et qui donnent lieu à la série éponyme a la fin des années 2010 ?

Ces ébauches viennent surtout nous éclairer sur le processus de création de Thierry BOYER. Son travail est purement plastique, sa finalité est d’imager. Sur ce point, nous sommes d’accord avec Nathalie GRANGIS quand elle témoigne de sa collaboration avec lui sur l’écriture de textes (Thierry et les Mots, à venir sur le site) : « Thierry se méfiait des mots même s’il les savait incontournable pour servir son travail ». Tout est dit : au temps où l’art devenait conceptuel, il convenait de trouver des dénominateurs communs entre un travail purement plastique et les contraintes pressantes du milieu de l’art.  Ce ressenti, nous l’avons aussi eu quand Thierry nous demandait de rédiger des textes autour de son travail. Il nous laissait peu de liberté quand un mot ou un concept lui déplaisait. Il pouvait aller jusqu’à la fâcherie jusqu’à qu’il soit retiré de l’écrit.

Thierry BOYER plaçait l’art au-dessus de toute autre forme d’expression. Pour lui, Imager était plus fort que narrer. Imaginer plus puissant qu’enserrer son travail plastique dans le corset de fer du langage. Tous les dessins préparatoires, pochoirs et autres qui suivront durant sa carrière viennent étayer cette thèse.

Il était une fois... PELUFET - février 1990 (Actualités/Octobre 2023)

 

Cliquez sur l’image pour accéder au livret.

Pelufet, c’est l’histoire de trois étudiants en fin de cursus aux Beaux-Arts de Perpignan, qui se retrouvent dans une maison de campagne dans les sous-bois de Penne du Tarn. Ce qui devait être une simple découverte de la maison familiale des BOYER au « Pet », pour ses deux amis Christophe MASSÉ et Christian HERNANDEZ-GRANADO, se transforme vite en une résidence improvisée. Pelufet, ce lieu-dit, devient alors un terrain d’expérimentations pour finir en petit fascicule, l’ultime substrat et témoignage de cet instant de partage et de création entre les artistes en devenir.

Le ton est souvent grave, triste, inquiétant : du texte de C. MASSÉ intitulé la « Mise au tombeau », jusqu’aux résonances de T. BOYER autour de signes imaginés, en passant par les dessins de guerre de C. HERNANDEZ-GRANADO. Nous sommes en février 1990, et une page de l’histoire mondiale est en train de se tourner avec l’effondrement de l’URSS et la mort de la dernière grande idéologie/utopie du XXème  siècle. C’est aussi le début des années «crises» après les années «fric». Ce contexte aurait-il eu un écho auprès de nos trois jeunes étudiants ? D’aucun, en parcourant ce livret noir et blanc en trois parties, sera frappé par cette jeunesse morose, désabusée, en perte de repères ; à minima, en questionnement et en recherche.

Le volet de Thierry BOYER, qui clôt le fascicule, semble le moins sombre. Son travail plastique autour des reflets, qui utilise sculptures/installations et photographies, atteste déjà d’une grande maturité tant il semble poser des questions universelles, pour mieux transcender une actualité chaotique et le contexte austère d’un mois de février sur ce causse tarnais. Si l’irruption et l’invasion de cette forme projetée sur l’eau ou sous terre sont inquiétantes, les jeux d’ombres et de contrastes nous font espérer une issue apaisée.

Sans être dans la téléologie gratuite, on peut voir dans ce travail des aspects prémonitoires de l’œuvre de Thierry BOYER. Cette dichotomie et ce contraste autour de formes, des matières, et des signifiants vont être au cœur de ses sculptures industrielles au sortir des Beaux-Arts. Que dire, par ailleurs, de cette résonnance entre cette reproduction jusqu’à l’obsession de signes cabalistiques dans Pelufet, et la démultiplication des quarante polypores/cerveaux réalisés près de vingt ans plus tard, à la fin de la décennie 2000 ? Deux exemples parmi beaucoup d’autres résonances …

Enfin, BOYER parle lui-même de « Brouillard intérieur / Énigme troublante / Traces éphémères et factices ». Il ne faut guère aller plus loin pour trouver un petit temple des définitions autour de la quête plastique de l’artiste, entre fragilité et permanence, sensibilité et dureté, particulier et universel.

Traces, racines, empreintes : voilà donc un titre qui sied particulièrement à la rétrospective sur l’artiste, organisée en mars prochain à Albi dans trois lieux (Hôtel Rochegude par le LAIT, Le Frigo, et La Cheminée) et sur laquelle nous ne manquerons pas de donner de plus amples informations durant les mois à venir.

 

 

Thierry BOYER, Work in progress pour 2024 (Actualités/Juillet 2023)

 

Plus d’un an après la disparition de l’artiste natif du Carmausin (81), une foule d’initiatives fourmille pour mettre en avant l’œuvre de Thierry BOYER. Son frère Frédéric est particulièrement impliqué. En tant qu’ayant droit, il a entrepris de nombreuses démarches auprès des instances culturelles telles que la DRAC d’Occitanie, qui possède déjà dans son fonds régional d’art contemporain certaines sculptures.

Par ailleurs, différents lieux sur l’Albigeois ont proposé de travailler sur des expositions concomitantes sous forme de rétrospective. En mars 2024, le Centre d’art Le LAIT a d’ores et déjà réservé l’Hôtel Rochegude (ancienne bibliothèque d’Albi transformée en lieu d’exposition) à cette fin. Le Frigo, lieu culturel associatif situé en plein centre de la Cité épiscopale, s’est dit intéressé pour rendre hommage à leur ami artiste qui les a quittés trop tôt. La Cheminée, galerie située à la Madeleine, a manifesté son enthousiasme. Créé il y a à peine quelques années, ce lieu voulait déjà exposer Thierry BOYER de son vivant. L’artiste s’était lié d’amitié avec André-Pierre OLIVIER, propriétaire de cette ancienne chapellerie avec sa compagne. Il avait aussi aidé Thierry à se former en infographie.

Enfin, nous mettons tout en œuvre pour compléter ce site, le mettre à jour avec de nouvelles informations, de nouveaux éléments. Grâce à ses recherches dans les Archives du Pôle Arts et Cultures d’Aussillon, Etienne CARRENO, chargé d’accueil et de médiation, est parvenu à exhumer l’affiche de la première exposition collective de Thierry BOYER à la sortie des Beaux Arts de Perpignan, intitulée Entrée en Matière (1992). Ultime clin d’œil aux projets en cours plus de trente ans plus tard : Cimaise et Portique, ancien nom du LAIT, organisait déjà cette manifestation conjointement avec un centre associatif d’Aussillon où elle se déroulait.

Addendum (août 2023)

Grâce au Centre d’art Le LAIT (merci au travail de recherche de Murielle EDET), retrouvez le catalogue d’Entrée en Matière en cliquant ici.

 

Thierry Boyer, un artiste engagé aux côtés des associations toute sa vie durant (ACTUALITÉS/MAI 2023)

 

Outre ses activités artistiques à proprement parler, Thierry BOYER était un homme engagé. Au tournant des années 2000, il travaille ainsi pour l’Amicale du Nid à Toulouse pour proposer des ateliers d’expression artistique aux femmes, hommes, ou personnes transgenres connaissant ou ayant connu la prostitution. Il participe aussi aux rencontres fondatrices de l’association ARC-EN-CIEL dédiée aux LGBT de la ville rose, leur proposant même un logo, qui témoigne du tournant graphique que prend son œuvre à la même époque.

C’est son retour dans le Tarn qui marque le plein d’engagements associatifs. Proposant des ateliers artistiques au Groupe d’Entraide Mutuelle d’Albi (association d’accueil de jour pour des personnes en souffrance psychique), il réalise pour cette même structure deux courts métrages intitulés « Maux à mots ».

Actif au sein de l’Art’Air à Saint-Benoît de Carmaux, sa ville natale, il est l’un des fondateurs du Fab’Lab carmausin (voir photo : à gauche, avec l’équipe de l’époque) et laisse une empreinte forte au sein de cette association très dynamique : au travers du logo de l’association et de ce nounours 3D en tant que mascotte.  A la fin de sa vie, un projet d’exposition avait vu le jour entre le Fab’Lab et Thierry : grâce à la technologie et par des jeux de lumière et d’obscurité, il s’agissait de redécouvrir des œuvres de l’artiste comme la série des polypores/cerveaux.

Enfin, c’est en 2019 que Thierry BOYER participe aux premiers moments de Diversités Pastel, association LGBTQI+ du Tarn. Là aussi, il use de ses talents graphiques pour proposer une affiche pour la « fête de printemps » (Spring Party) de la jeune structure.

Cet encagement associatif a pu conditionner les procès de création de l’artiste, de même que sa sensibilité et son regard de plasticien ont apporté beaucoup aux associations dans lesquels il s’est impliqué. De ce dialogue, il reste aussi des témoignages vibrants d’affection et d’intérêt. C’est ainsi que des membres du GEM et du Fab’Lab ont rendu un hommage à Thierry pour le premier anniversaire de sa disparition (voir photo ci-dessus).

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Reportage sur france 3 midi-pyrénées (1993)

Témoignage de son ami l' artiste christophe massé (AVRIL 2022)

Thierry Boyer, quelque part.
 
 
Je vais me souvenir des choses vécues avec Thierry, indissociables d’un temps vécu aussi avec Christian Hernandez celui qui me présenta au tout début des années 90′ d’un autre siècle, un jeune homme fragile, taciturne et attachant.
 
Avec Christian, notre grand jeu était de courir chez Thierry, rue Saint Mathieu, de grimper par le balcon au premier étage, entrer par la fenêtre mal fermée de son appartement miteux (nous vivions dans le même quartier du centre-ville de Perpignan) et en fin de journée nous attendions Thierry, l’un assis dans un fauteuil, l’autre sur sur une chaise à la table comme si rien n’était. Il arrivait quelques temps plus tard, ouvrait discrètement la porte d’entrée avec sa clef, soufflait, et se faisait chauffer un café en allumant une clope mentholée. Sans prêter attention alentour, ce n’est qu’une éternité plus tard qu’il nous demandait pince sans rire, ce qu’on foutait chez lui. Nous éclations de rire.
 
Il était tendre, candide, à l’écoute, subtil. Trop subtil pour notre tandem de valseurs, qu’il aimait bien je crois. Quelques années, nous nous vîmes souvent, pour ainsi dire chaque jour, autour des Beaux-arts. Thierry ramait, il était habité, son travail était en route, il cogitait. Nous avons présenté une exposition de ses premières oeuvres avec celles de Francis Mascles, Galerie des Foy et des Anis à Perpignan, avec un catalogue et le grand jeu, sans aucune subvention. Nous louions à Thérèse Mugel une pièce à côté de la Galerie Thérèse Roussel.
 
C’était sa première exposition, un splendide travail, trés lourd. André Valensi me téléphona de Toulouse, un jour de 92 pour me dire, qu’il était au jury de la biennale des jeunes créateurs et qu’il venait de voir le travail d’un gars dont j’avais écrit la présentation. Un magnifique travail, avait-il souligné. Plus tard, Thierry nous proposa de l’accompagner dans sa 4L déglinguée à Carmaux dans la montagne au-dessus de la ville sur un plateau, et nous avons réalisé « Pelufet » un joli livre avec des installations de travaux dans la forêt. Il n’y avait personne, dans une maisonnette isolée, pendant quelques jours, presque sans rien dire.
 
La nuit, nous allions nous perdre dans les bois vers une structure, un prototype de cabane transparent éclairé dans laquelle les insectes de tout ordre attirés par la lumière pullulaient.
 
Avant qu’il passe son diplôme, une nuit nous sommes allés faire un graffiti sur les murs des Beaux-arts, inscrivant en lettres géantes : Il faut donner les Unités de Valeur à Titi Boyer. Le lendemain, il se marra en découvrant notre larcin et quand la milice directoriale de l’époque nous convoqua, il se marra encore plus de notre infortune.
 
Thierry est souvent passé me voir à Paris en rentrant du Japon, de Scandinavie quand il exposa là-bas, d’Afrique.. toujours avec des histoires terribles a compter (piqué par un serpent, intoxiqué, dépouillé). Il lui arrivait toujours quelque chose, quelque chose de terrible. Son travail avait cette force et cette fragilité. Un temps, le fer de la mine et le fluorescent des êtres qui s’évaporent.
 
Nous n’avons pas suivi le même chemin, la même route. Plus tard , il est venu à Bordeaux Sous La Tente me rendre visite, nous sommes restés un long temps à parler de la difficulté d’être. Croisé encore un fois à Thuir (66) pour l’exposition de Christian, nous avons reformé un trio quelques heures, échangeant nos devenirs et nos horizons.
 
Triste et touchant à la fois, comme des heures comptées sur nos sillons respectifs. C’était un homme sensible. Je garde ces images de lui, sa cigarette tremblotant dans la main, son oeil en quête, une douceur particulière. L’hymne aux hommes tronqués est dans ma tête. Non la tristesse, une sourde mélancolie qui brise ce jour. Thierry Boyer est mort un jour de printemps, en avril 2022.

 

Extrait du blog de Christophe Massé « chroniques et informations », le 20 avril 2022.